donnez-leur vous-mêmes à manger

Des chrétiens dans la fosse aux lions

Un char détruit non loin de l'église chrétienne.

Interventions au cœur de la guerre

Depuis le 24 février 2022, la ville de Kharkiv (= Kharkov), dans l’Est de l’Ukraine, a subi d’incessants bombardements aériens et des tirs de roquettes et d’artillerie. Notre évangéliste Léonid T. nous informe de la situation telle qu’elle était jusqu’au 19 mars et sur la catastrophe humanitaire dans les localités où l’Église continue d’exercer son ministère. (Ndlr : l’armée russe s’est retirée de cette zone autour du 10 mai, cependant, depuis le 27 mai, elle a repris les bombardements…)

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Chers amis, je vous écris pour que vous compreniez un peu mieux notre situation et vous demande de continuer à prier pour une fin rapide des combats et pour la préservation de la vie des enfants de Dieu dans leurs maisons et dans leurs lieux de réunion.

Résultats de bombardements à Kkarkiv
Les caves, des lieux de refuge, comme les stations du métro.

La ville n’est plus qu’un amas de ruines

La guerre ne vient pas frapper discrètement à votre porte. C’est brutalement et dans un grand fracas de bombes qu’elle entraîne dans la désolation des appartements confortables, des personnes âgées qui ont du mal à se déplacer, des jeunes couples et même des bébés paisiblement endormis dans leur poussette douillette. En un clin d’œil, tout n’est plus que ruines, et les appartements ont disparu dans des montagnes de gravats.

Les responsables de la guerre n’ont que faire du sort des personnes si brutalement affectées et qui, trop souvent, ont dû quitter ce monde, discrètement, sans un mot d’adieu. D’autres gémissent encore sous les décombres tandis que, dans le deuil, d’autres encore versent leurs larmes sur un proche qui leur était cher. Parmi ces destins, lequel est le plus supportable ? Nul ne saurait l’évaluer. Cette souffrance inconcevable, ce deuil, cette dévastation, tous ces cris et cette horreur, les barrages et les services publics abandonnés, voilà ce qui marque le paysage urbain actuel.

La famille de Dieu soucieuse de servir

Au milieu de toutes ces ruines et de la folie humaine, de cette brutalité et de l’impiété, Dieu préserve son Église. Conduite par lui dans les plus dures situations d’espoir brisé, elle brille par sa bonté, sa serviabilité, sa compassion, ses prières, en transmettant le message de Jésus-Christ.

Quand de nombreux frères et sœurs dans la foi ont appris la tragédie des hostilités à Kharkiv, des appels nous sont parvenus du monde entier avec cette seule question : « Comment pouvons-nous vous aider ? » Mon cœur a battu plus vite lors d’un autre appel inconnu, où la voix d’un chrétien à l’autre bout du fil a encore posé la même question. Les vrais enfants de Dieu ont cherché tous les moyens possibles pour aimer, non seulement en paroles, mais aussi en actes. L’horreur de la guerre a été atténuée par les premières promesses emplies de sollicitude : « Nous allons vous apporter de l’aide ».

Les malades, victimes
des circonstances

Les souffrances physiques sont aggravées dans la situation actuelle. Comme il n’est plus possible de faire la queue à la pharmacie pour acheter les médicaments nécessaires, les gens cherchent de l’aide auprès des chrétiens. Mais qui peut prendre en charge leurs cœurs meurtris ? C’est pourquoi nous demandons sans cesse au Seigneur Jésus de nous accorder la force pour réconforter ces personnes et leur redonner de l’espoir.

Dieu rend possible l’impossible !

Même les plus courageux prennent peur à la vue des cratères des bombes. Comment effectuer notre service au milieu d’une pareille catastrophe humanitaire ? Le fracas des obus qui explosent à proximité est assourdissant. Et pourtant Dieu rend possible l’impossible. Grâce à l’unité du peuple de Dieu et à son service de prière fort et sincère, des hommes et des femmes, de simples chrétiens, distribuent des vivres, des médicaments et des versets bibliques. Leurs sourires, leurs regards lumineux et leurs bonnes paroles d’espoir : « Que Dieu te protège ! » redonnent goût à la vie.

Un mois de cruautés en tout genre

Le spectacle de la cruauté quotidienne dépasse l’entendement humain. La guerre qui dure depuis plus d’un mois est d’une atrocité impitoyable qui défie toute conscience humaine. Ces circonstances placent les chrétiens face à des défis difficiles à relever. Comment expliquer tout cela, surtout aux non-chrétiens ?

 

7 mars 2022

Des explosions pendant la Cène

Malgré les événements militaires en cours dans notre ville, les nombreuses destructions et les obus qui ne cessent de tomber, ce qui reste de notre communauté s’est rassemblé dans la cave, que nous appelons désormais “abri anti-aérien”.

Cette guerre n’est rien d’autre que la conséquence du rejet du sang versé à Golgotha. Alors que l’église célébrait la cène, des obus continuaient de tomber sous notre fenêtre, ce qui laissait présager de nouvelles destructions et encore des pertes de vies humaines.

Distribution l'extérieur pendant une accalmie.

Au bord de la famine

Après la fin de ce culte, si insolite, les participants ont naturellement échangé à propos des conditions de vie quotidiennes. Nous avons distribué des colis alimentaires à des personnes au bord de la famine, étudié la question du relogement de celles qui ont perdu leur maison et fait des adieux à celles qui devaient nous quitter – nul ne sait pour combien de temps.

Nous sommes très reconnaissants à tous nos frères et sœurs en la foi pour l’envoi de denrées alimentaires, de médicaments et de tout ce qui répond aux nombreux besoins. Nous remercions également pour tous les dons en argent.

Une offrande vivante

Cependant, avant d’aider les autres, il faut subvenir à ses propres besoins et surmonter sa peur. Il faut accepter le sacrifice de sa propre vie pour sauver les autres. Chaque jour nous demandons au Seigneur Jésus de nous donner la sagesse pour savoir quoi faire et comment.

10 mars 2022

Où trouver de la nourriture pour les personnes en détresse ?

Comme il y a un couvre-feu la nuit, il faut partir dès 7 heures du matin et se dépêcher, car il y a tant à faire. De ce fait, je suis le plus souvent en route pour trouver des denrées alimentaires et pour les apporter à notre local de l’église où sont préparés les paquets que j’apporte ensuite à des personnes âgées ou lourdement handicapées.

Toujours à nouveau, il s’agit de sauver les gens des “points chauds” de la ville et de les sortir de leurs appartements bombardés. Beaucoup vivent déjà dans le sous-sol de notre local. D’autre part, de très nombreux habitants ont déjà quitté la ville – sur 1,5 million, les deux tiers ont fui.

Nous ne sommes pas restés pour rien !

Dès le début de la matinée, il faut faire face à une liste interminable de demandes des plus diverses :

« Ma grand-mère ne peut pas quitter seule son appartement dans un immeuble de plusieurs étages. Pouvez-vous la descendre et l’emmener en sécurité chez de la parenté ? »

« Veuillez vérifier que les fenêtres de mon appartement ne sont pas endommagées par les explosions. »

« Mes médicaments s’épuisent, mais je ne peux pas interrompre mon traitement. Pourriez-vous en acheter quelque part et me les apporter ? »

« Excusez-moi, j’appelle de Russie. Ma mère vit à Kharkiv et n’a plus d’argent. Auriez-vous la gentillesse de lui prêter 200 dollars ? Je vous rendrai l’argent de toute façon un jour ou l’autre... »

Les appels n’en finissent pas. Qui va y répondre ? C’est nous que Dieu envoie vers eux et nous comprenons que nous ne sommes pas restés pour rien !

Apport de nourriture sur place dans le metro pour ne pas s’exposer à l’extérieur.

À cinq minutes de la mort

Le soir, lorsque le couvre-feu commence, on a quelques minutes pour écrire quelques lignes. Ce n’est pas si facile, car on ne doit pas allumer la lumière de peur de devenir une cible pour les bombes.

Aujourd’hui la journée a été fatigante. Nous sommes allés à la station de métro (photo) où plus de 300 personnes ont cherché refuge. Elles ont faim et sont apeurées. Nos paquets de nourriture n’ont suffi que pour les mamans et leurs jeunes enfants. Demain il faudra en préparer davantage...

Je crois que je vous ai écrit hier, mais j’ai l’impression que c’était il y a déjà une semaine... Nous ne vivons qu’au jour le jour. Maintenant je comprends ce que signifie : “Si Dieu le veut, nous vivrons…”. Ces mots reviennent de plus en plus souvent sur nos lèvres, car nous ne vivons plus que pour une seule raison : c’est Dieu qui l’a voulu !

Aujourd’hui, nous avons apporté de la nourriture et des médicaments dans un quartier où les gens sont dans un besoin particulièrement grave. Nous avons remis les paquets, échangé quelques mots et nous sommes repartis sans nous attarder. Cinq minutes plus tard, la personne à qui nous avions remis les paquets nous a appelés, disant : « Heureusement que vous êtes repartis à temps. Une roquette est tombée à l’endroit précis où nous nous tenions. Tout l’immeuble a été ébranlé. »

11 mars 2022

L’ardent besoin de silence

L’incessant vacarme des explosions de bombes est incroyablement difficile à supporter. Au bout de deux semaines, les nerfs sont à vif, la psyché est fortement oppressée et on n’aspire plus qu’au silence et au calme. Mais l’absence de perspective de repos est encore plus déprimante. C’est sans doute cela le syndrome de la guerre. C’est un moment particulier où tu as besoin de quelqu’un qui te prête son attention. Mais qui va le faire, quand tous vivent le même cauchemar ?

Ils se dirigent vers les explosions !

Mais Dieu, qui embrasse du regard la terre entière, sait soutenir ses enfants.
De jeunes frères de l’ouest de l’Ukraine roulent à la rencontre de terribles explosions avec leur voiture en venant jusque chez nous. Pendant ce temps leurs épouses, avec leurs jeunes enfants, prient pour la réussite de leur service. Les frères chargent leur coffre avec les choses les plus nécessaires pour les apporter à ceux qui ont déjà oublié à quoi ressemble un supermarché.

Car, pour commencer, personne ne supporte de rester dans la file d’attente jusqu’à pouvoir pénétrer dans le supermarché et, de plus, ces magasins sont vides ! La plupart des habitants de notre ville consomment leurs dernières modestes réserves. C’est alors que s’accomplissent les paroles du Seigneur Jésus : “J’avais faim et vous m’avez donné à manger”.

Les yeux s’illuminent à nouveau

Dans notre ville dévastée par de nombreuses et graves explosions, l’apparition de ces messagers a été une grande joie pour beaucoup. Ils venaient des villes de Kovel et de Zdolbunov et nous apportaient des marchandises arrivées d’Allemagne. Plusieurs nuits d’affilée, ils se sont privés de sommeil pour apporter à ceux qui souffrent des médicaments, des pâtes, du sucre, de la farine, des couches pour nourrissons et même des friandises. “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis.” (Jean 15.13)

En plus de l’aide matérielle, ils apportent de l’encouragement, de la joie, des sourires et la foi en action. Le sourire réapparaît également sur nos visages, les yeux s’illuminent à nouveau parce que dans ce monde fou, où des mères et des enfants meurent chaque jour et où des immeubles s’effondrent, il existe de tels modèles.

12 mars 2022

Le bon berger protège dans l’ombre mortelle du mal

En repensant à ce qui s’est passé ces derniers temps, nous devons souligner combien Dieu nous a protégés. La fatigue est certes écrasante et on ne peut pas se déconnecter de nos engagements. Mais c’est en Lui que nous voulons espérer pour la suite.

Actuellement, le psaume 23 nous parle d’une manière nouvelle et profonde. Malgré tout ce qui nous arrive, nous ne doutons pas de notre Bon Berger. Et l’ombre mortelle du mal nous pousse à nous concentrer davantage sur le dernier verset : “J’habiterai dans la maison de l’Éternel pour toujours.”

Nous sommes très reconnaissants aux églises en Allemagne pour l’accueil et l’hébergement paisible qu’elles offrent à nos compatriotes. (Ndlr : Le frère Léonid destine son rapport à ces églises-là.)

13 mars 2022

Les stations de métro comme abris

Stations de métro de Kharkiv devenues habitats de ceux qui ont tout perdu

C’est dimanche. Encore une fois, toute la matinée des bombes ont explosé dans la ville. Après avoir célébré le culte dans le sous-sol de notre local, nous nous sommes rendus dans les stations de métro qui servent d’abris aux habitants et leur avons apporté des vivres. Nous avons également remis 50 colis alimentaires à des personnes âgées ou malades. Dans la mesure du possible, nous les avons réconfortées en leur chantant des cantiques. Nous pouvions difficilement retenir nos larmes !

Une dame âgée vivant dans le metro

19 mars 2022

Le cœur saigne d’impuissance

Quand, après le bombardement de la nuit, je roule dans la ville et vois des immeubles à plusieurs étages brûlés ou à moitié détruits, vides, sans fenêtres ni portes, la question s’impose à moi : « Où sont les gens qui vivaient tranquillement dans leurs appartements confortables et qui ont été arrachés à leur sommeil par le tonnerre des bombes, par les fenêtres brisées et par les balcons et toits qui s’effondrent ? » Certaines de ces personnes sont allongées sur le sol, ensevelies sous la neige et la terre des cratères des bombes. Une vieille femme solitaire, aux cheveux ébouriffés, se tient parmi les décombres et pleure un proche. Mon cœur saigne de mon impuissance à protéger ces gens de leur misère. Nombreux sont ceux qui ont perdu leur appartement, autrefois agréables, pour s’installer dans une station du métro. Certains y ont dressé des tentes, d’autres dorment à même le sol.

Dans cette détresse, les larmes
coulent sans discontinuer

Ces dernières semaines ont tout plongé dans une sombre tonalité de deuil. Les couleurs claires des vêtements ont disparu ; c’est le gris et le noir qui l’emportent désormais. Les larmes coulent, irrésistibles, sur les visages, émotion de survivants fatigués. Il n’y a pas de paroles capables de réconforter ceux à qui une explosion a tout pris en un instant.

Nous sommes partis avec une petite équipe de notre église pour trouver et aider les gens dans les bâtiments à moitié détruits ou dans les stations de métro.

Nous leur apportons des biens de première nécessité et de la nourriture qui nous parviennent de la FriedensBote. Ils sont là, sans électricité, sans chauffage et sans eau. Le pire, ce sont les réflexions graves et les questions sans réponse : « Quand est-ce que tout cela prendra fin ? Que va-t-il m’arriver la nuit ou le jour prochains ? » Un profond désespoir s’installe.

Les routes sont partiellement détruites et les véhicules sont aussi soumis à rude épreuve et doivent être réparés de manière improvisée.

La Parole de Dieu est bien accueillie

Le nombre croissant d’appels à l’aide de notre ville nous a imposé un rythme quotidien très éprouvant – du petit matin jusqu’au couvre-feu du soir. Nos quelques voitures ne suivent pas toujours et tombent en panne. Malgré cette lourde charge, nous sommes étonnés de voir à quel point les gens sont réceptifs à la Parole de Dieu. Puisse-t-il toujours en être ainsi !

Une bombe explose sur le terrain voisin

Une bombe a explosé sur le terrain voisin de notre église et l’onde de choc a endommagé les fenêtres de toutes les maisons à l’entour. Mais notre lieu de réunion est resté miraculeusement intact. Nous aussi, nous prenons peur dans ce vacarme d’explosions à proximité immédiate de chez nous. Nos forces ne sont pas illimitées, la fatigue s’installe peu à peu.

Secours européens et ouest-ukrainiens pour l’est du pays

Votre aide nous est précieuse !

Il y a beaucoup d’églises et de nombreux frères et sœurs du monde entier qui, individuellement, nous soutiennent par le biais de la mission FriedensBote et d’autres œuvres. Ils nous ont aidés dès le premier jour par des moyens financiers, des vivres et surtout par leurs prières. Un grand merci à eux pour leur engagement !

Des centaines d’églises ont ouvert leurs portes aux réfugiés d’Ukraine. De nombreuses personnes se dévouent pour transporter les gens d’est en ouest, presque sans interruption.

Et comment remercier tous ceux qui rendent possible l’aide à des personnes affamées qui parfois n’ont plus vu de pain depuis des jours ?!

Continuez à lutter dans la prière contre la guerre !

Je voudrais aussi remercier de tout cœur tous ceux qui intercèdent pour nous : « C’est vous qui faites le travail le plus important ! Par vos prières, vous nous protégez lors de nos déplacements sous les bombardements. Vous protégez ceux qui sont sur les routes et, parfois, ne dorment pas plusieurs jours de suite.

Nous avons également un urgent besoin de vos prières ! Continuez à prier contre la guerre (voir la photo en page 1), les explosions et les destructions, et réconfortez le cœur des enfants de Dieu par vos marques de sympathie, en les enrichissant de votre foi, de votre espoir et de votre amour.

Intercédons pour les chrétiens qui se sacrifient au cœur de la guerre

Nous nous inquiétons avant tout pour nos collaborateurs dans notre contexte de guerre, ceux qui sont restés sur place et se sacrifient pour rendre service. Seront-ils capables de supporter toute cette situation ? Et jusqu’à quand ? Auront-ils assez de foi et de patience, de persévérance ? C’est pourquoi je vous prie, chers amis, de soutenir et de fortifier ces frères et sœurs par vos prières.

Chers amis de la mission, veuillez également prier pour les frères et sœurs dans le ministère, pour la préservation des maisons dans lesquelles ils accueillent des personnes démunies, parfois de tout, et pour la préservation de leurs lieux de réunion. Ils nous sont précieux pour faire divers travaux, pour accueillir des gens et pour préparer les secours.

Après concertation dans notre église, nous prions toutes les deux heures pour la paix.

Sujets de prière :

– Veuillez prier pour nous, afin que le Seigneur Jésus nous garde dans nos trajets dangereux à travers la ville.

– Veuillez prier pour que l’horreur vécue ne nous rende pas malades nous-mêmes, et que nous puissions continuer de servir ceux qui ont besoin d’aide.

– Veuillez prier pour que la paix de Dieu remplisse nos cœurs et que la guerre prenne bientôt fin.

– Veuillez prier pour nous, afin qu’au nom de notre Seigneur Jésus-Christ nous puissions accomplir fidèlement notre service jusqu’à la fin !

Léonid T./Est de l’Ukraine